Printemps 2016, la Galerie La Source, à Fontaine-lès-Dijon, recevait le peintre Philippe Guerry. Une exposition qui s’intitulait « Longues nuits ».
En marchant dans les salles de la Source, le regard fasciné par les toiles de Philippe Guerry, j’avais le seul mot « noyé » qui ne cessait de passer et repasser dans ma tête. Ces femmes de la nuit -et quelques hommes- peints par l’artiste me semblaient « noyés ».
Pourquoi ce mot? – Premièrement, à cause de la manière de peindre. Le geste pictural est sinueux, mouvant. Le pinceau trace des petites méandres. Et, du coup, les formes colorées ondulent, comme si elles étaient immergées. Les femmes de Philippe Guerry se diluent dans l’eau…Ou s’y enfoncent? Une dominante bleue contribue aussi à évoquer l’eau… En arrière plan, souvent, un miroir, un aquarium, des fumées de cigarette, des vapeurs d’alcool… Tout pour perdre pied… – Deuxièmement, en raison de ce que semblent dire ces portraits. Des êtres en attente. Solitaires. Oisifs. Muets. Désabusés. On n’est pas loin de penser qu’ils sont perdus (noyés). Ces femmes, ruinées par la vieillesse, à quel espoir se raccrochent-elles de séduire encore, de paraître sexy, de plaire par leur corps? Y croient-elles donc encore? Et ces hommes qui traînent dans les bars de nuit, vautrés, à la recherche de quoi? Amour? Amitié? Jeunesse perdue?
N’en déplaise à ceux qui n’aiment que la peinture guillerette, celle de Philippe Guerry montre « un univers désolé, tourmenté, plein de désillusion » comme le disait en filigrane Claude Martel qui présentait le peintre au vernissage. La tragédie de l’humanité est bien là. Le temps qui passe inexorablement, détruisant tout sur son passage et rompant les liens.
Cependant, quelque chose nous fait très plaisir! C’est l’énergie avec laquelle cet artiste peint, use et abuse de la couleur, croit en son art, construit puissamment un univers, exprime avec force des sentiments universels, traduit avec sensibilité et lucidité le ressenti de ces personnages rencontrés, bref traduit leur âme… Ouf! !!! (Claude Martel parlait d’ailleurs aussi de « vie intense », de « générosité et tendresse » à propos de Ph. Guerry)
L’artiste, obsédé par la guerre de 14, consacre une petite salle à ce sujet douloureux. Mais l’essentiel de l’exposition ne repose pas sur ce thème-là. A voir quand même. Force et expression.
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