Dans l’église Saint Philibert, rue Michelet à Dijon, il y eut, au printemps 2022, une exposition de Françoise Le Corre, « La texture de l’infime ou le diapason du là ». C’était à voir!
La grande église Saint Philibert, la très grande église Saint-Philibert se fait protectrice. Voilà qu’elle abrite de toutes petites choses. Toutes frêles. Elle a intérêt à perdre sa vilaine habitude de laisser choir des débris de pierre ou de sel depuis ses voûtes et ses piliers. Elle retient sa respiration de vénérable blessée. En son sein, ont été déposés de minuscules objets qui pourraient bien avoir un caractère aussi sacré qu’elle, du moins quand elle n’avait pas encore été « désacralisée ». Il semble qu’elle tienne à en prendre soin, en souvenir de cette époque.
Etonnante église, donc, qui accepte avec modestie qu’on ne lève plus trop les yeux vers son architecture. Nous sommes tellement absorbés par notre quête: dénicher les mini-trésors que l’artiste Françoise le Corre propose à notre regard. Sous cloche, sous verre, bien éclairés et grossis par des effets de loupe, voici un minuscule coquillage, une nouille anodine, un trognon de crayon, ou un brin de papier millimétré… Ils deviennent de vrais petits miracles de beauté. Des reliques que l’artiste nous invite à vénérer.
C’est l’exposition des contrastes et des contraires. Le lieu est un géant, mais les objets des petits riens. Les sujets sont très modestes, mais leur présentation très raffinée. Les oeuvres sont simplissimes, mais la scénographie muséale.
C’est aussi l’exposition du regard, de l’émerveillement, de l’attention. Elle met en évidence quelque chose qu’on a tendance à oublier: savoir s’arrêter, se taire, se pencher, observer… (J’ai une amie qui a un carnet où elle écrit ses petits émerveillements du jour. Voilà! C’est une liberté à reconquérir. Ne pas se faire avoir par un environnement matériel trop envoûtant, absorbant et dominateur. Ne pas négliger l’essentiel…. Bôf! Je radote! Mais tant pis!).
C’est aussi l’exposition des questionnements. Par exemple, Françoise Le Corre met en mouvement certaines oeuvres (plateaux tournants, vidéos, ombres). Et, là encore, c’est l’occasion de prendre le temps. Stop! Attendre de voir les métamorphoses des choses, les différentes formes qu’elles prennent. Stop! Penser à la réalité (laquelle?), la vérité (laquelle?), le jugement (doute?), la croyance (question?) et même l’impermanence et l’éphémère.
C’est aussi l’exposition aux mille portes. De la simple contemplation à la réflexion philosophique… Les jeux de mots, les clins d’oeil, les symboles, les références littéraires, historiques ou artistiques sont là. A nous de prendre (ou pas). C’est offert, mais pas obligatoire! On choisit sa porte…
En sortant de l’église Saint-Philibert, on se sent encore plus fragile qu’avant, mais les yeux grand ouverts…Je crois qu’on a gagné en équilibre!
Dans cette expo, ne manquez pas la vidéo de l’entretien de Françoise Le Corre avec Valérie Morisson. Et prenez les intéressants papiers proposés à l’entrée.
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Merci de nous avoir incités à aller voir cette expo qui fait du bien « dans ce monde de brutes ».
Un temps suspendu, un moment de recueillement, d’admiration …et d’échange chaleureux avec l’artiste.